dimanche 11 mars 2012

Yannick et sa mère.
Chapitre 18
 Notre noble et beau village de Sainte-Trique, ne connut pas cette fois de déferlement médiatique. La saison ne s'y prêtait pas. En novembre, les journalistes parisiens n'ont plus envie de province. Ils restent au chaud dans leurs rédactions et passent leur temps, entre deux cigarettes, à se recopier les uns les autres et bassinent leurs lecteurs ou leurs téléspectateurs avec l'écologie, le réchauffement de la planète, les grippes en tout genre, l'augmentation du cours du pétrole, les vaches qui trouent la couche d'ozone, le Gulfstream qui trime, histoire de leur pourrir la journée. Pour un journaliste, un jour ne peut bien commencer qu'avec une catastrophe ou s'il n'y en n'a pas, le rappel d'une catastrophe.


Là, à Sainte-Trique, rien de tout cela, seulement deux soeurs âgées, pas photogéniques et pour la presse, un crime élucidé, c'est sans intérêt.
Pourtant, pour un quotidien paraissant aléatoirement, La Trique Libre, rapporta avec beaucoup de précisions la confession et l'arrestation des soeurs Labusque. C'est d'ailleurs grâce à la consultation de ses colonnes que nous avons pu écrire ces lignes afin que soient honorés le courage et la perspicacité de Lagarrigue.

L'auteur se doit donc de faire l'éloge des propriétaires de ce journal que tout Sainte-Trique dénommait: "Yannick et sa mère" , en oubliant presque leur nom de famille: Habrack. Les Habrack avaient bâti leur fortune de bric et de broc sans pour cela braquer la population du bourg qui les aimait bien puisque le journal passait leurs photos généreusement. Si bien qu'au bout du compte, chaque lecteur avait affiché, au-dessus de sa cheminée ou de sa télévision, un article découpé où on le voyait trôner fièrement, héros d'un jour de la Trique Libre! Ah! être dans le journal! Quelle belle chose, quelle reconnaissance pour un président de l'Ordre de la Girole, pour Monsieur le Député Rémi Amphoix, pour le Monsieur le sous-sous-préfet Hauchant ou encore pour le chef des pompiers le courageux grand Echel.

Ainsi de la plus grosse truie à la plus petite chatte présentées par leur propriétaire, du plus gros potiron à la plus belle courge, rien n'échappait à la Trique Libre et à son photographe.

Le père Habrack était mort à la quarantaine d'une rupture brutale et inattendue d'avec sa jeune maîtresse, selon les mauvaises langues mal intentionnées mais bien informées. Madame Habrack, inconsolable mais pragmatique, reprit les affaires de son feu-époux. Mariée très jeune, son fils, Yannick avait déjà 20 ans à l'époque du deuil. Il remplaça immédiatement son père et au journal et auprès de sa jeune maîtresse, faisant d'une pierre deux coups. La jeune ingénue apprécia fort la virilité de Yannick mais regretta cependant l'expérience de son père.

Décidée de continuer à profiter de la vie, elle entreprit d'éduquer le jeune homme très consciencieusement, lui supprimant la cigarette pour le mettre à la pipe, moins nocive mais tellement plus agréable, lui interdisant l'alcool et les nourritures trop lourdes en sauces. Elle l'abonna aussi à quelques revues spécialisées dont la décence nous interdit de donner les titres et lui offrit le livre de Laurence Pornaud: "Le Kama Soutra en 32 leçons" référence incontournable en ce domaine.

Ainsi, la Trique Libre avait deux chefs à sa tête: la mère et le fils. Et cela fonctionnait très bien: la jeune maîtresse, Yannick et sa mère, composaient un trio efficace. Le journal se vendait correctement malgré de loin en loin des retards de parution. Pratiquement tout le canton de Sainte-Trique était abonné à ce journal.
Lagarrigue fut heureux de voir la gendarmerie à l'honneur, "sa" gendarmerie: il fut reçu par Monsieur le Maire qui, en un inoubliable morceau d'anthologie, rappela les nobles missions de ce corps d'élite.

Le champagne bu, les pages du journal refermées, ce fut le temps du retour aux banales affaires pour ces hommes d'exception dont certaines âmes mal intentionnées insinuent que les chiffres de leur quotient intellectuel se situent plus près de la limitation de vitesse d'une nationale que de ceux d'une autoroute. Nous ne polémiquerons point car nous venons de prouver par ces lignes l'excellence d'un corps envié par de nombreuses nations, un corps beau, un corps sain, un corps d'âge solide, un corps né de la clairvoyance de Napoléon!
Oui Lagarrigue et les tiens, vous méritez mieux que l'image que l'on voudrait vous imposer. Vous ne prénommez pas systématiquement vos filles "Amandine" et vos garçons "Contravention" même si vous avez des jumelles ou des jumeaux.

Nous comptions mettre un point final provisoire à ces chroniques du village de Sainte-Trique en ces mots : "Que Sainte Epure Arsilonde vous protège", mais ce fut trop triste. Aussi, l'auteur ne reculant devant aucun sacrifice prolongera ce récit encore quelques lignes ou quelques chapitres, en fonction de son humeur joyeuse et aussi car ses soirées sont longues en ces temps d'automne omis.


C'EST PAS (encore tout à fait la FIN)