Chapitre 9
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Quand Gévaudant et Aristobule mènent l'enquête
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Gévaudant et Aristobule partirent dans la 4L (fleuron de la noble institution républicaine et encore militaire de la Gendarmerie, petit rappel de l'auteur) pour se rendre sur le lieu du crime. Cahotante, la brave petite auto, quitta la départementale pour emprunter le chemin forestier. Sur la banquette arrière, Gévaudant tenait à lui seul les deux places. Devant, au volant, Lagarrigue décrivait le paysage au maître chien. Quelques minutes plus tard, ils abandonnaient le véhicule pour se frayer, à pied, un passage sur un sentier de chasseurs.
Lagarrigue s'arrêta enfin et dit: "C'est là!"
Le gendarme de Sainte-Trique sortit une poche en plastique transparent.
- Vous allez faire des tests d'alcoolémie? demanda en souriant Aristobule.
- Il y a dedans un vêtement ayant appartenu à la victime, dit le représentant de la Maréchaussée.
- Ne soyez pas aussi pudique Lagarrigue! Un chat, c'est un chat, un string, c'est un string!
- C'était à la femme, reprit Lagarrigue comme pour s'excuser.
- Le contraire m'eût étonné! Mais par l'étang qui stagne et les temps qui courent, on ne sait jamais!
Sur ce, Aristobule prit le sachet des mains de son accompagnateur, l'ouvrit et le mit sous le museau de Gévaudant qui huma longuement le tissu. (ou du moins le tout petit morceau de fils entrelacés, car vu la taille du string et les larges trous formés par la dentelle, il n'y avait pas pour lourd de coton).
Quelques instants plus tard, le Berger de Maremme tirait sur sa laisse. Il traversa un fourré, retrouva une sente et, suivi par son maître commença à redescendre la colline en direction de Sainte-Trique. Lagarrigue les laissa à leurs recherches. Il revint à sa voiture et prit la direction du village et de sa gendarmerie.
Et c'est ainsi qu'une heure après son retour en ce haut lieu de l'art architectural japonais et agricole, siège de sa brigade, Lagarrigue aperçut par l'immense baie vitrée de son petit bureau, le duo Aristobule - Gévaudant.
Gévaudant, toujours la truffe à la hauteur d'un balai d'aspirateur en activité, entraînait son maître dans son sillage. Ils trottinaient tous les deux. Gévaudant, au grand soulagement du gendarme de Sainte-Trique, ne s'arrêta pas. Donc, les gendarmes semblaient exclus du lot des suspects.
La brave et bonne bête traversa tout le village, buvant au passage quelques lampées d'eau fraîche dans la vasque semi-circulaire de la fontaine de la Place des Platanes, emprunta la Rue de la Place puis celle de la Mairie et arriva enfin devant le presbytère. Là, il aboya, gémit doucement et se coucha.
De ce comportement, Aristobule déduit qu'il était arrivé à la fin de la piste suivie par le chien. Cela le laissa perplexe. Il demanda à Gévaudant: "Tu es sûr de toi?" Ce à quoi Gévaudant répondit par un aboiement bref et affirmatif.
Aristobule décida de retourner à la gendarmerie faire son rapport. A celui-ci, Lagarrigue comprit que le chien les avait conduits à l'appartement du vicaire de Sainte-Trique, appartement jouxtant celui de l'abbé Styropopor.
- Ne perdons pas de temps! déclara le gendarme. On y va!
A peine cinq à six minutes après cette ferme décision, Aristobule et Lagarrigue sonnaient à la porte peinte en bleu de l'appartement de l'abbé Anazabarbe. Ils n'obtinrent aucune réponse.
- Il doit être en visite ou dans l'église!
- Possible, déclara Lagarrigue.
- Vous pensez qu'il est le coupable?
- A première vue, non, je connais bien Anazabarbe. Il a une aversion pour la forêt et les insectes, c'est comme une phobie, une peur bleue. De mémoire de gendarme et des habitants de Sainte-Trique, jamais personne ne l'a vu dépasser la clairière du cimetière. On dit qu'il déteste les insectes, qu'il est allergique au pollen et aux abeilles!
- Pourtant Gévaudant...
- De toutes les façons, on peut toujours vérifier son emploi du temps, ça n'engage à rien et ça enlèvera des doutes.
Lagarrigue et Aristobule décidèrent de revenir en fin d'après-midi.
- Toujours personne!
Ils décidèrent d'aller se renseigner auprès de Monsieur le Curé.
-Entrez-mes enfants! dit Styropopor. Quel bon apéritif vous amène.
- Pas exactement un apéritif, ou du moins pas tout de suite. Savez-vous où se trouve l'abbé Anazabarbe?
- Chez lui, normalement! mon cher gendarme!
- Et bien non!
- Non ???
- Non!!!
- Impossible, dit l'abbé Styropopor. C'est le père Anazabarbe qui fait le sermon demain à la grand-messe! Il devrait être à sa table de travail ou à genou sur son prie-dieu pour implorer l'inspiration divine. Nous y allons immédiatement après que je vous aie fait goûter mon dernier vin de messe, un vrai breuvage des dieux, pardon, pas "des" dieux. Je suis en principe monothéiste! Un breuvage paradisiaque et divin. En kir, ce vin blanc est parfait.
Lagarrigue et Aristobule tentèrent de refuser.
- Allons! Allons! Mes enfants! Il est presque 19h 30... A cette heure-là, la gendarmerie est sur répondeur. Trinquons modérément certes, mais trinquons ensemble à l'amélioration et à l'amendement du prochain, deux points auxquels vous et moi, travaillons de concert dans des voies différentes.
Et bientôt, trois verres s'élevèrent dans la pièce...
- A la nôtre! dit Lagarrigue.
- Et à la Sienne! ajouta pieusement Monsieur le curé, les vignes n'appartiennent-elles pas au Seigneur? Son premier miracle ne fût-il pas de transformer l'eau en vin, en un excellent vin digne d'un grand millésime si l'on en croît les témoins de l'époque!
Laissons un instant nos trois amis boire en paix leur apéritif en notant, au passage, que les olives, spécialement préparées dès leur cueillette par l'abbé Styropopor, avaient une réputation d'excellence bien méritée.