dimanche 11 mars 2012

CHAPITRE 16

.
Une punaise de sacristie, comment ça marche?

Pour le lecteur averti, le titre de ce chapitre contenant le mot "punaise" ne peut manquer de lui mettre la punaise, pardon, la puce à l'oreille. Nous avons dans un précédent chapitre de ces chroniques, assisté aux tourments du curé de Sainte Trique, tourments subis lors de la messe dominicale. Quel calvaire en effet pour un officiant d'avoir à supporter cette plaie: la présence de punaises de sacristie en son église. Une espèce terrible, accrochée à son prie-dieu comme une lente à son cheveu. Une espèce incompréhensiblement survivante car elle honnit la copulation et pourtant se perpétue!

Faisons donc un peu d'entomologie religieuse et dissertons sur ce sujet: "Qu'est-ce qu'une punaise de sacristie? A quoi la reconnaît-on? Quelles sont ses motivations?

Une punaise de sacristie est une vieille fille qui hante l'église dès son ouverture, non pour s'y recueillir mais pour y trouver matière à ses cancanages -néologisme que je me permettrai car il me paraît plus péjoratif que le banal "cancan"- De plus un lecteur étranger ou distrait pourrait par inadvertance croire que j'évoque ces danseuses qui lèvent la jambe pour montrer des dessous démodés alors que leur public se contenterait de beaucoup moins de tissus. Mais fermons la parenthèse et revenons à nos punaises.

Donc si la caille margote, le chameau blatère, la huppe pupule, le pivert picasse haut, la souris chicote, le pinson fringotte, la punaise de sacristie, elle, cancane. C'est sa fonction première: "Et Madame ci, et monsieur le curé là et la fille d'un tel oh! (même si cette fille n'est pas très futée). La punaise de sacristie observe, critique, calomnie, carbonise la vertu et crache son venin. La punaise de sacristie, en résumé, aime en son prochain la haine qu'il lui permet de nourrir.

Reconnaître une punaise de sacristie est facile: si elle est laide, ce n'est pas dû à son physique mais à la méchante bêtise qui en suinte. Elle a des goûts vestimentaires stupéfiants: à croire qu'elle s'habille avec ses rideaux, un abord désagréable, avec en prime une moustache de sapeur! Quant à ses motivations, elles sont simples: dominer leur prêtre et gouverner dans l'église! Observez bien une punaise de sacristie en prière. On croirait que la cohorte des saints toute entière lui apparaît. Les pôvres! Ils auraient bien du mérite à être là.

Sainte Trique n'échappant pas à leur invasion, le village en était donc atteint. Deux punaises redoutables l'habitaient: les soeurs Labusque! Des sprinteuses du credo, récitant leurs prières plus vite que leur ombre! Des méchantes langues, des teignes, des parasites, des blattes.

C'était elles que Lagarrigue venait de croiser dans la forêt sur les lieux du crime! Elles qui avaient failli l'assassiner s'il ne s'était caché!

Mais avant que Lagarrigue ne les menotte, ne manquons pas d'en brosser un portrait sans concession mais avec anthologie, pardon: "déontologie". On s'y perd un peu dans toutes ces spécialités morales ou médicales. Vu l'aspect et l'âge des soeurs Labusque, les lumières d'un paléontologue ou d'un égyptologue- momitologue, seraient appréciées. L'auteur n'ayant ni l'un ni l'autre dans ses relations -pourtant nombreuses et de grande qualité- le lecteur devra se contenter du créateur de ces lignes ou alors de les abandonner et d'aller à la pêche.

Pour ceux qui sont encore là, voici donc une évocation de ce que sont les soeurs Labusque: deux vieilles peaux sans chair mais en os, se prétendant vierges, alors que dans leur jeunesse, selon les anciens et selon l'expression connue: "Seul le train ne leur était pas passé dessus" Deux harpies s'offusquant de tout: du boulanger qui lève la pâte, du chien qui fait de même car il ignore l'orthographe, des filles dont elles trouvent qu'elles ont la jupe trop courte, des garçons qui ont les cheveux trop longs,du maire qui ne va pas à la messe, du curé qui y va, de l'enfant de coeur qui renverse les burettes, du choeur des enfants qui, toujours selon elles, chante comme des casse rôles. La liste pourrait s'allonger ainsi indéfiniment, tel un inventaire à la pervers. (Nous soulignerons que pour le train, il n'y en avait pas dans la jeunesse des soeurs Labusque, il a donc un alibi: il n'a pu leur passer dessus. Ndl'A)

Mais trêve de plaies sans tuerie, il est temps de rejoindre notre héros du jour: Lagarrigue.

Après avoir traversé le " Parc à Dindes" c'est à dire l'endroit où les femmes de gendarmes qui ne travaillent pas se regroupent pour surveiller leur progéniture qui joue dans le bac à sable, Lagarrigue se rendit au "célibatorium" bâtiment qui abrite les gendarmes célibataires et sonna le rassemblement général.

Nous ne reviendrons pas sur les commentaires, les étonnements de la Maréchaussée, ni sur les procédures habituelles d'information de la hiérarchie et du procureur de la République. Notre propos est d'intéresser notre lecteur et non de l'ennuyer avec un cours de droit pénal.

Non! Il est temps d'accompagner Lagarrigue et les deux gendarmes d'élite qu'il a choisi pour procéder à l'arrestation des soeurs Labusque : Augustine et Drosoline pour les appeler familièrement pas leurs petits noms.

Cette opération intitulée en toute discrétion: "Opération punaises" à son origine, fut qualifiée ensuite "...de sacristie" par le clan des anticléricaux de Sainte-Trique. J'ai pu, grâce à l'estime personnelle que me portait et me porte toujours le Gendarme Lagarrigue, me procurer les aveux des deux refoulées. Ce sont ces aveux que je me propose de vous révéler dans le chapitre suivant.




,